A MONSIEUR
 
MONSIEUR LE BARON OSTEN.

MONSIEUR,

SOUFFREZ que je vous témoigne ma reconnoissance pour la flatteuse distinction dont Sa Majesté a bien voulu m’ honorer. Je regarde comme un des plus grands bonheurs de ma vie d’être né dans le siecle d’un Roi, qui sait emploïer et récompenser les talens. De combien ce bonheur n’augmenteroit-il pas, si mes desseins et mes occupations dans ma patrie, me permet­toient d’aller me jetter aux pieds de Sa Majesté, et de contempler dans sa Capitale le second renouvellement des Lettres et des Beaux Arts. Cependant, d’ici même, je ne perdrai jamais de vûe les influences propices que sa protection répand sur le savoir, et si je vis assez pour finir L’Histoire générale de ce Siecle, ouvrage, que j’ai pro­jettè depuis long tems, ce sera au nom de CHRE­TIEN VII. que je croirai devoir son vrai lustre. Permettez-moi, Monsieur, d’ajouter en ce lieu une reflexion qui m’a frappé en recevant le diplome, par lequel Sa Majesté m’ agrége à Sa Société Roïale des Sciences. On ne sauroit, en voïant un tel asile des belles lettres s’éléver dans un empire du nord, s’empécher d’admirer les decrets de la providence dans la revolution des evénemens. Ce fût de la Gothie que sortirent l’essaim de courageux guerriers, qui éteignirent la lumiére du savoir dans l’Europe en arrachant aux Romains l’empire du monde; c’est dans ces mêmes régions que le savoir rêvit sous les auspices d’un Monarque qui l’apprécie, et le protége.

J’ai l’honneur,

Monsieur, d’être votre trés humble,

et très obeïssant Serviteur,

12 Mai 1771.
W. JONES.