SIRE,
UNE Traduction, faite par les Ordres de Votre Majesté, emprunte son lustre des augustes auspices sous lesquels elle a été entreprise; daignez donc souffrir, que laissant à mon auteur l’enthousiasme de la flatterie orientale, je ne fasse mention de son Héros que pour relever un contraste qui m’a frappé. C’est au successeur légitime d’une suite de Rois, aussi anciens qu’illustres, que je présente ce NADER CHAH, usurpateur, & d’une origine obscure. Le crime & la terreur conduisirent ce fameux guerrier à la fortune, par une voïe remplie d’allarmes & de dangers. L’admiration & la confiance des peuples, déja fixées au pied du trône de Votre Majesté, lui ouvrent une carriere aussi brillante qu’heureuse. Nader craignit la lumiere du savoir, & tâcha de détruire les sciences dans ses états; Votre Majesté, véritable appréciatrice du génie, lui confiera sans peine les annales de Son regne. Il suffira à Ses historiens d’être éclairés & fideles; ils ne seront pas obligés, comme celui de Nader, de donner au destructeur le masque du conquérant; à l’oppresseur ces magnifiques tîtres que la bouche servile accorde, & que le cœur honnête refuse à l’injustice, & à la tyrannie. Mais, SIRE, si d’autres ont l’honneur d’achever le contraste que j’ébauche, & de faire sentir à la posterité la différence qu’il y a entre la bassesse de l’adulation & le pur encens de la vérité, j’aurai du moins l’avantage de les avoir dèvancés dans une route, que la gloire de Votre Nom rendra si facile, ainsi que dans le zèle, & le très profond respect avec lesquels je suis,